J’ai pris un coup de lune
à force de veiller la naissance de l’aube
Les criquets scient le calme
de leur voix de fer-blanc
Un saxophone joue dans ma tête un air ancien
et les écailles de la mémoire
s’emboîtent et se rassemblent
Nous sommes les Araignées du soir
et nous tissons l’espoir avec le bleu du ciel
et le suc de nos mots
Sur les rayons de l’aube
nous secrétons un fil incassable et ténu
bleuté comme l’acier
car passé est le temps où nous filions la peur
Nous sommes les Araignées du soir
dévidant notre folle flamme
Le feu longtemps a hésité
sur l’humidité des brindilles
et longtemps en solo ont joué les ruisseaux
leur partie d’affluents
mais nous sommes arrivés
à cette époque d’avant la ponte
où les sources fatiguées d’enfanter des galets
rêvent d’herbes aromatiques
et de poissons zébrés d’argent !
Voici que dans cette heure
qui n’appartient plus à la nuit
chaque cellule de ma terre
bouge de vie nouvelle
et sur les grands chemins menant au cœur
les hommes de mon pays
les poings durcis les pieds lavés
et les filles d’eau pure
aux yeux couleur de poudre de cannelle
d’une démarche lente et lourde
montent vers le mapou s’assembler
pour la veillée commune
Accourez jeunes gens
c’est le temps de la flamme plus haute et verticale !
Nos gestes ne sont plus d’emprunt
les plus belles paroles
nous appartiennent désormais
car les mots délavés ont repris leur couleur
La terre n’est plus molle où s’enfonçaient nos pas
et la croûte durcie
crisse sa joie de rythmer notre marche
Nous sommes les Araignées du soir
tissant la vie nouvelle
le cœur allumé aux dernières étoiles
et dans le matin neuf notre baguette de sourcier
montre la nappe souterraine
Un peuple, des insectes et les éléments s’unissent dans ce poème tout en tension qui annonce le changement, le soulèvement.
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Liens utiles
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« J’ai pris un coup de lune…. », Mon pays que voici, Montréal, Mémoire d’encrier, 2007 [1968].
Cet extrait a été reproduit aux termes d’une licence accordée par Copibec.